Article rédigé par Yves Floury, membre de l’association Plaeraneg Gwechall

Le 20ème siècle débute dans un contexte de divisions douloureuses. Républicains et Nationalistes, anticléricaux et cléricaux, ne cessent au plan national comme au plan local de s’invectiver. Les pointes des flèches décochées sont trempées dans l’acide ! A Paimpol : dans la presse, au sein du conseil municipal comme en haut de la chaire de l’église paroissiale : écrits, paroles, propos, de plus en plus virulents, attisent les esprits et conduisent à des décisions inattendues.

L’annulation par le curé Henri FROMAL de la bénédiction des goélettes et des équipages avant le départ pour la campagne 1904, et le refus d’un armateur lors du lancement de sa goélette de la faire baptiser tissent la toile de fond de l’histoire inédite de la goélette HYGIE. Elle restera dans l’histoire paimpolaise de la grande pêche la seule goélette qui n’aura pas été baptisée au moment de son lancement comme pour son départ pour sa première campagne ! Religieusement s’entend !

Maisons au bord de l'eau

La goélette en construction à droite de la photo pourrait être l’HYGIE.
Sources : Photo : Yvonnig ; Livre « Paimpol La morue d’Islande et les chantiers navals Laboureur » – Anne-Marie Laboureur

Je m’appelais HYGIE ! J’étais l’une des très nombreuses goélettes paimpolaises armées pour la grande pêche à Islande. Depuis un peu plus d’un siècle, je gis au fond de l’océan Atlantique Nord non loin des côtes islandaises. Mon histoire, bien courte, à peine six ans, n’est pas banale !

Alors, permettez-moi de vous la raconter.

C’est au cours de l’année 1903 que les docteurs THIERRY et BONNAIRE, médecins paimpolais, commandent à François PERROT, propriétaire d’un chantier de construction à Kernoa, au port de Paimpol, ma construction pour la grande pêche à Islande. Pendant plusieurs mois, sur la base des plans du traceur de gabarits et aux mains des charpentiers, des perceurs, des calfats, des forgerons, des voiliers et des poulieurs, je prends progressivement forme et je m’affine.

Contrairement à beaucoup de mes consœurs goélettes, je n’ai pas eu pour nom celui d’un saint ou d’une sainte, un prénom, un nom de fleur ou celui d’un oiseau mais celui d’une déesse grecque : HYGIE ! Déesse de la santé, de la propreté et de l’hygiène. Rien moins que cela ! Il est vrai qu’avec deux médecins pour armateurs, le choix de la déesse de la santé s’imposait.

Arrive enfin le grand jour de ma mise à l’eau près de la cale de Kernoa, le 2 avril 1904. Mais mon lancement ne s’est pas passé comme habituellement. Les positions fortes du côté de mes armateurs et du côté du clergé local expliquent sans doute la décision prise par le docteur Francis THIERRY de refuser de faire procéder à mon baptême religieux.

Jamais jusqu’à ce jour une goélette n’avait été mise à l’eau sans avoir été baptisée ! Quelques années plus tard, le curé Henri FROMAL, chef du clergé paimpolais, se souviendra de cette décision.

Mais revenons à cette année 1904 ! Malgré cette situation inédite, tout se passa bien pour mon lancement. J’eus même droit aux éloges de la presse locale pour mon allure et mes lignes !

« Svelte et gracieuse la goélette HYGIE a été lancée hier matin avec un plein succès. Sous l’égide tutélaire de la Déesse de la Santé elle a pris possession de son nouvel élément. Le navire construit pour faire la pêche à Islande a pour armateurs les docteurs THIERRY et BONNAIRE et pour capitaine Yves LIDOU.

Elle affirme une fois de plus l’impeccable perfection des lignes de la construction du chantier PERROT. L’armement va en être activement poussé pour que l’HYGIE regagne au plus vite notre flottille islandaise. »[1]

Pas de campagne sans bénédiction !

Les artisans mobilisés pour mon armement ont vite et très bien travaillé car j’ai pu quitter le port de Paimpol le 16 avril de l’année 1904 ! Il est vrai qu’en ce milieu du mois d’avril les autres goélettes sont déjà sur zone de pêche, cela depuis un bon mois.

Partir en campagne sans bénédiction ! Nul ne pouvait imaginer cela, ni les marins, ni leurs épouses. Par la volonté des femmes, au premier rang desquelles l’épouse du capitaine, ce ne fut donc pas de l’eau bénite qui me fut aspergée en guise de bénédiction mais de l’eau de mer ! Avec la plus grande discrétion, le capitaine Yves-Marie LIDOU, dit CAPELAN, de Perros Hamon en Ploubazlanec, un « rouge » comme le camp clérical qualifiait en ces temps agités ceux d’en face, accepte de procéder une fois en mer à ma bénédiction et en même temps à celle de tout l’équipage. Nous sommes donc tous bénis « Au nom de la mer ! ». Ne dit-on pas que l’esprit divin est partout. Alors, ce jour-là, il était parmi nous !

Confortés par l’audace et les paroles du capitaine LIDOU nous faisons route vers Islande. Bien qu’assez courte, quatre mois à peine, cette campagne 1904 est assez bonne. Les grandes compétences du capitaine alliées au courage et à la ténacité sans faille de tout l’équipage nous permettent de ramener début septembre 33 000 morues qui sont débarquées à Fécamp.

Avant de regagner mon port d’attache, nous avons, avec une petite partie de l’équipage, navigué en Manche puis en Atlantique et fait escale à Lisbonne pour recharger en prévision de la prochaine campagne mes cales en sel. Au terme de plus de six mois de navigation, fin octobre, toutes voiles dehors profitant d’une bonne brise d’ouest, je file vers la baie de Paimpol. A l’approche du port, se lit sur les visages des marins restés à bord la joie d’apercevoir l’île de Bréhat, puis la chapelle de la Trinité en Pors-Even et au fond de la baie le clocher de l’église de Paimpol. Profitant du flot, nous accostons à notre quai, rejoignant pour l’hiver les autres goélettes rentrées au port depuis quelques semaines.

1905 : l’armement THIERRY se renforce.

L’année 1905 commence sous de bons augures pour notre armement. A peine les premiers jours du mois de janvier se sont-ils écoulés que vient mouiller près de moi dans le bassin du port une goélette amie, « une consœur ». Sa construction a été commandée au chantier PERROT par notre armateur le docteur THIERRY. Mise à l’eau le dimanche 8 janvier, elle porte le joli nom de Maïa, une déesse comme moi ! Maïa, c’est la « petite mère », la nourrice. Un joli nom pour une goélette pour la grande pêche dont les marins, nos islandais, vont, au prix d’un dur labeur et au péril de leur vie, nourrir leurs enfants ainsi que de nombreuses familles.

A la fin du mois de février 1905, nous sommes deux goélettes à mettre le cap vers Islande, emmenant sous les ordres du capitaine LIDOU pour moi et du capitaine HAMON pour Maïa 52 marins du pays paimpolais.

Enfin ! Pas tout de suite ! Une violente tempête sur le Goëlo nous oblige à rester en baie près d’une semaine. Le mauvais temps rencontré au départ de Paimpol ne nous a pas quitté, hélas, pendant toute la première campagne. Jusqu’au début du mois de mai, les prises sont bien modestes et les cales ne se remplissent pas vite. A tel point que notre chasseur, le Bruyère, ne ramènera à Bordeaux que 12 000 morues pour chacune des deux goélettes. Le moral des deux équipages n’est pas brillant.

Le début de la seconde campagne en remontant vers le Groënland par l’ouest de l’Islande est aussi difficile. Pourtant début septembre, grâce aux efforts de chacun des deux équipages, nous débarquons pour chacune au retour de campagne à Fécamp environ 30 000 morues, le double de la première campagne. Après avoir rechargés sur place nos cales en sel, tous nos marins retrouvent mi-septembre leurs familles sur les quais de Paimpol.

Pour la campagne de 1906, comme l’an passé, Paimpol arme pour la grande pêche pas moins de 54 goélettes et 18 navires chasseurs ! Une belle forêt de mâts dans le bassin ! Comme à chaque départ en campagne la tristesse et les émotions étreignent le cœur des femmes, des épouses, des mères et des jeunes enfants sur les quais.

Les conditions de navigation et de pêche à l’approche d’Islande sont comme l’an passé éprouvantes. Comme Maïa, je monte à l’assaut de vagues énormes, je fais front face à de forts tangages. Nos marins semblent faire fi des bruits violents qui fusent de mes membrures et de mes mâtures. Ce n’est qu’une apparence car, à la manœuvre ou au fond de leur cabane, les hommes, même les plus expérimentés qui n’en sont pas à leur première campagne, s’inquiètent. D’autant plus qu’avec ce foutu de temps, ils ne peuvent pas pêcher ! Près de deux semaines à espérer qu’enfin tout cela s’améliore.

Quelques jours plus tard, enfin, les appels « Au ban » du capitaine mobilisent tout le monde sur le pont, même ceux qui essayaient non sans mal de reprendre des forces au fond de leur cabane. Cette fois, les lignes bien appâtées ramènent à bord de plus en plus de morues. Fin mai, ce sont tout de même 16 000 morues pour moi et 21 000 pour Maïa qui sont transbordées dans les cales de notre chasseur Bruyère.

La deuxième partie de cette campagne 1906 sera légèrement meilleure. Mes marins débarquent à Fécamp fin août 24 000 morues et ceux de Maïa 22 000 morues à La Rochelle. Nous rentrerons tous à Paimpol, sans dommage ni pertes, entre le 15 et le 22 septembre.

La fin tragique du rêve islandais du Docteur THIERRY 

Pour la nouvelle campagne, celle de 1907, le docteur THIERRY me confie au capitaine BITTER, le capitaine LIDOU mettant un terme aux campagnes islandaises. Nul ne pouvait penser que cette année 1907 serait dramatique pour le docteur THIERRY et sa famille et que cette nouvelle campagne serait la dernière les deux goélettes tout au moins sous son armement.

Avec mon équipage de 26 marins, voiles hissées, je prends le 13 février la direction d’Islande pour la quatrième année. Maïa m’accompagne quant à elle pour sa troisième campagne. Nous étions là-bas très loin dans les eaux islandaises en première campagne quand le 2 avril un drame frappe la famille du docteur THIERRY. Au bout de trois longues semaines de lutte contre une cruelle maladie, Joanni, le jeune fils du médecin, âgé de 9 ans, rend l’âme. Les soins éclairés et le dévouement de ses parents et l’accompagnement des proches de la famille auront été impuissants.

Inconsolable, le médecin n’imagine pas que le curé Henri FROMAL ferait à sa demande d’inhumation religieuse de son cher fils une telle réponse : un refus catégorique ! Le curé FROMAL était un homme d’église doté sans doute d’une bonne mémoire mais surtout et avant tout de beaucoup de rancœur. Un tel comportement a un fort retentissement au sein de la population. Le mouvement de sympathie à l’égard du médecin se manifeste concrètement le jour où la famille part inhumer à Brest le jeune défunt. Une foule importante accompagne le convoi funéraire jusqu’à la sortie de la ville !

Écœuré et découragé par toutes ces polémiques, le docteur THIERRY prend quelques mois plus tard la décision de partir définitivement de Paimpol. En prévision de ce départ, il cède au début du mois de septembre son cabinet médical au docteur HERVIAULT. Quelques jours plus tard, vers la mi-septembre 1907, nous apprenons que le docteur THIERRY n’armera plus pour la grande pêche.

Si Maïa quitte définitivement Paimpol à la fin de l’année pour rejoindre le port de Cancale, je suis pour ma part vendue à l’armateur Francisque GICQUEL, propriétaire de plusieurs goélettes dont la Germaine, l’Iduna, la Marie-Magdeleine, ou encore Lilja. C’est sous les ordres du capitaine BITTER en 1908, puis du capitaine VIDAMENT en 1909 et 1910 que je poursuis mes campagnes pour la grande pêche à Islande.

Cette fois, le docteur THIERRY parti, le curé Henri FROMAL procède à ma bénédiction religieuse et à celle des marins. Pour autant, la bénédiction à l’eau de l’océan du capitaine Yves-Marie LIDOU nous avait accompagnés et protégés durant quatre campagnes malgré des conditions parfois dantesques.

Hélas, après deux campagnes sous l’armement GICQUEL, placée cette fois sous la bénédiction divine, mon équipage ne reviendra pas au pays.  C’était un jour maudit entre mars et avril 1910. Lequel ? Je ne m’en souviens plus. D’ailleurs, nul n’a pu dire le jour ni les conditions de notre naufrage. Nous devions rejoindre Patrixfiord entre le 1er et le 10 mai pour transborder notre première pêche sur le chasseur Gwénolé. Aucun bateau ami était présent dans les parages. Les éléments déchaînés depuis plusieurs jours : vents violents, vagues scélérates, ont eu raison de la ténacité et de la force déployée par l’équipage qui a tout fait pour nous sauver. Tout !

Malheureusement, au terme de nombreuses heures d’une lutte inégale, cassée, meurtrie, dévastée, je les ai emportés avec moi !

Ma charpente, mes mâts, mon accastillage, mes voiles et mes cordages, en fait tout ce qui faisait ma fierté de goélette rapide et élancée, tout cela a peu à peu disparu au fil des années rongé par la mer glacée et les mouvements des hauts fonds. Pour moi, ma dernière demeure n’est pas un cimetière marin au fond d’une crique de la côte du Goëlo mais les falaises dangereuses des îles Vestmann[2] puis les profondeurs de l’océan Atlantique. Mais ce n’est pas ce qui m’attriste.

A cause de mon impuissance à résister cette fois aux éléments et à pouvoir rester à flot, vingt-cinq hommes : capitaine, lieutenants, saleur, matelots et deux jeunes enfants enrôlés comme mousses, originaires de Plouézec, de Kérity, de Pleudaniel, de Ploubazlanec, de Plouha, ne reverront plus jamais mère, épouse, enfants, frères et sœurs. Ils ont laissé au pays seize veuves et cinquante-cinq orphelins presque tous en bas âge qui auront beaucoup pleuré et n’auront jamais pu faire leur deuil !

[1] Le Journal de Paimpol 3 avril 1904 – AD 22 Presse ancienne

[2] Courant mai 1910, l’équipage du navire Europe aperçoit sur les côtes des îles Vestmann, petit archipel composé de 18 îles et de nombreux rochers et îlots au sud d’Islande, une goélette démâtée à la coque de couleur plutôt sombre. Tous ont supposé que cette épave fût celle de l’HYGIE.  Journal de Paimpol 12 juin 1910 – AD 22 – Presse ancienne

Sources :

– Jeanne LIDOU, épouse CORLAY, petite-fille de Yves-Marie, décédée en 2015 à l’âge de 92 ans, témoignage recueilli par Nelly SOUQUET, présidente de Plaeraneg Gwechall
– Archives départementales des Côtes d’Armor – Presse ancienne
– Centre de Généalogie des Côtes d’Armor

Pour aller plus loin

Un début de 20ème siècle très agité !

Avec l’affaire DREYFUS qui éclate en 1898, la victoire du bloc des gauches (coalition républicaine) aux élections législatives de 1902, un gouvernement COMBES qui se dote d’une politique « énergique de laïcité » et surtout la promulgation le 9 décembre 1905 de la loi concernant la séparation des églises et de l’Etat qui instaure la laïcité, le début du 20ème siècle est marqué par les divisions. Il faudra hélas attendre le déclenchement de la première guerre mondiale pour que la situation s’apaise et qu’une « Union sacrée » rassemble derrière le drapeau national « pro et anti ».

Au pays de Paimpol, au début de l’année 1904, la décision prise par le curé de Paimpol, Henri FROMAL, de ne pas organiser la bénédiction des goélettes pour la campagne 1904 à la grande pêche à Islande, une cérémonie tant attendue par tous les marins et leurs familles, crée une violente polémique.

Dimanche 17 janvier 1904, dans l’église paroissiale, le curé Henri FROMAL monte en chaire. Il annonce que la bénédiction traditionnelle des islandais aura lieu le dimanche 14 février et non le dimanche 7 février ; En soi, rien d’anormal, juste un décalage d’une semaine. Sauf qu’avec cette décision la fête religieuse va désormais coïncider avec la fête profane du Dimanche Gras. De plus, en cette année 1904 le dimanche 14 février est la veille du départ des goélettes. Elus locaux et commerçants sont vent debout et expriment fermement leur mécontentement. Ne voulant pas en démordre, le curé FROMAL décide d’annuler purement et simplement la cérémonie religieuse, avançant comme prétexte que l’archidiacre qu’il avait invité sera ce 7 février à Lamballe pour y bénir des cloches !

Le conseil municipal républicain s’empare de l’affaire. Les élus demandent au maire de se faire leur porte-parole et de tenter de faire revenir le curé sur sa décision. En vain ! Face à l’obstination cléricale, le conseil municipal ira jusqu’à prononcer un « blâme » à l’encontre du curé FROMAL. [1]

Pour la première fois, équipages et goélettes partiront en campagne sans bénédiction ! Une situation inédite qui sera reconduite pendant plusieurs années. La Fête des Islandais et du Commerce désormais la Fête de la Bénédiction des Islandais.

En 1913, une pétition signée par une grande majorité des armateurs réclame une bénédiction religieuse des équipages. Leur demande sera suivie d’effet puisque le dimanche 26 janvier 1913, cela pour la première fois depuis neuf ans, le programme de la fête des Islandais et du Commerce annonce pour le début de l’après-midi une cérémonie religieuse avec bénédiction. Elle fut présidée par le chanoine BARRÉ, curé archiprêtre de la cathédrale de Saint Brieuc. Signe de la réconciliation ? Le curé de Paimpol est convié au dîner de clôture. Il n’hésitera pas dans l’ambiance conviviale retrouvée à porter un toast ![2]

[1] Le Journal de Paimpol 14 février 1904 – AD22 Presse ancienne

[2] Le journal de Paimpol 1er février 1913 – AD22 Presse ancienne

procession religieuse sur les quais de Paimpol

Le pardon et la bénédiction des Islandais avant 1904.

© Plaeraneg Gwechall – Collection Pierre FLOURY

procession religieuse sur les quais de Paimpol

« Le dernier pardon des Islandais », disent les francs-maçons. Carte éditée en 1903 avec mention manuscrite de l’expéditeur : 5 juillet 1905.

© Plaeraneg Gwechall – Collection Pierre FLOURY

procession religieuse sur les quais de Paimpol

Fête des Islandais et du commerce dès 1904.

© Plaeraneg Gwechall – Collection Pierre FLOURY

Rôle d’équipage de la goélette HYGIE

Dans son édition datée du dimanche 12 juin 1910 le Journal de Paimpol publie le rôle d’équipage de la goélette HYGIE, considérée perdue corps et biens à Islande :

François-Marie VIDAMENT, capitaine, Plouézec – François VIDAMENT, second, Kérity – Jean-Baptiste ALLAINMAT, 1er lieutenant, Plouézec – Edouard QUAY, 2ème lieutenant, Plouézec – Jean VIDAMENT, 3ème lieutenant, Plouézec – Aristide DOLLO, saleur, Kérity ;

Les matelots : Guillaume JOUAN, Plouézec – Yves-Marie CAVELAN, Plouézec – Jean HERY, Plouézec – Yves THAS, Pleudaniel – Yves HERVE, Kérity – Louis MORVAN, Ploubazlanec – Yves LE LEFF, Kerfot – François QUINIAT, Plouha – Yves-Marie RIVOAL, Plouézec – Jean LE GUEN, Plouézec – Jean-Marie LE BLEIZ, Plouézec – Jean-Marie PIERRE, Plouézec – Jean-Louis ALLAINMAT, Plouézec – François MATAGUEZ, Plouézec – Guillaume LE QUESTEL, Plouézec – François COUPIN, Plouézec – Jean-Louis MATAGUEZ, Plouézec ;

Les mousses : Joseph JOUAN, Plouézec – Yves MATAGUEZ, Plouézec.

Le docteur THIERRY, médecin, armateur et conférencier

A la toute fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, plusieurs actions sont engagées pour tenter d’améliorer les conditions de vie des marins à bord et pouvoir leur apporter soins et assistance. Ainsi, en 1894 fut fondée la populaire institution des Œuvres de Mer, reconnue d’utilité publique en 1898. Plusieurs navires-hôpitaux visiteurs furent affrétés par cette société dont le premier en 1893-1894 le Notre-Dame du Salut. La société intervient aussi dans les hôpitaux à terre en Islande. Après un premier hôpital français inauguré en 1905 à Faskrudfjord, trois autres hôpitaux s’y ajoutent trois ans plus tard : à Reykjavik, Patrixfjord (appartenant à un médecin islandais) et aux îles Vestmann. [1]

A Paimpol à cette même époque, le docteur Francis THIERRY, particulièrement apprécié par de très nombreux paimpolais et cela bien au-delà de ses seuls patients, met à la disposition des capitaines et des marins ses compétences médicales. Ainsi au tout début de l’année 1905, il organise dans la salle de cours de l’Ecole d’Hydrographie de Paimpol des conférences sur l’hygiène, le service médical à bord des goélettes armant pour Islande. Le Journal de Paimpol annonce les conférences des 10 et 17 janvier :

« Les capitaines des goélettes sont invités à y assister, à moins d’impossibilité absolue. Les seconds de goélette ainsi que les candidats aux brevets de capitaine au long-cours et de maître au cabotage seront également admis aux dites conférences dont ils tireront le plus grand profit. » [2]

Un compte-rendu de la 1ère conférence est publié quinze jours plus tard :

« La salle de cours de l’Ecole d’Hydrographie était trop petite pour recevoir les nombreux auditeurs accourus pour l’entendre et parmi lesquels on a été heureux de reconnaître les trois quarts au moins de nos capitaines. C’est avec le plus grand intérêt que tous ont écouté le conférencier qui, au cours de cette première séance, a dans un langage méthodique et à la portée de chacun principalement envisagé l’aération et la propreté des locaux, la préparation des aliments, les effets utiles et nocifs des boissons mises par l’armement à la disposition des hommes … Il a terminé par un exposé des moyens les plus pratiques pour reconnaître les maladies et indispositions qui se rencontrent le plus souvent à bord de nos goélettes de pêche. » [3]

La seconde conférence, huit jours plus tard, le 17 janvier, fut consacrée à l’emploi du coffre à médicaments.

[1] Paimpol au temps d’Islande – Mgr Jean Kerlévéo – T2 P52-53
[2] Journal de Paimpol 1er janvier 1905 – AD22 Presse ancienne
[3] Journal de Paimpol 15 janvier 1905 – AD22 Presse ancienne

Yves-Marie LIDOU, capitaine et baptiseur !

C’est au départ de sa première campagne pour la grande pêche à Islande, quelque part en mer au large de la baie de Paimpol qu’en cette mi-avril de l’année 1904 l’HYGIE est baptisée par le capitaine Yves-Marie LIDOU, dit Capelan. Yves-Marie LIDOU naît à Ploubazlanec le 19 juillet 1856. Il est le fils de Yves LIDOU et de Marie MOAL. Cinq enfants naissent de cette union : Yves-Marie, né en 1885 qui sera comme son père capitaine au cabotage, Marie-Anne en 1887 mais qui décèdera à l’âge de 6 ans, Guillaume en 1889 dont l’un des enfants, Jeanne, témoignera de la bénédiction civile de l’Hygie, Henri né en 1890 et Sylvain en 1894.

Dans presque toutes les familles de Pors-Even et de Perros-Hamon en Ploubazlanec, on est, par nécessité, marin de père en fils. Chez les LIDOU, c’est bien entendu le cas. Yves LIDOU, le père de Yves-Marie, fait partie, au début du mois d’avril 1852, de l’équipage de l’Occasion. Cette goélette, propriété de Louis Morand, armée pour la pêche morutière, est la première à prendre la route vers Islande. Yves, le père de Yves-Marie, fut ainsi avec ses quatorze camarades marins un des premiers islandais de notre temps, trois siècles et demi après les premiers islandais du pays de Paimpol : les marins bréhatins en 1514 ! [1]

C’est donc tout naturellement que Yves-Marie suit la voie maritime de son père.  Il passe en 1881 son examen de capitaine au cabotage avant son départ pour sa première campagne à Islande comme capitaine de la goélette Mignonne. Jusqu’en 1906 inclus (à l’exception de l’année 1902) Yves-Marie embarquera comme capitaine pour 25 campagnes à Islande :

            – 1882 à 1884 goélette Ludovic armement Veuve Ruellan

            – 1885 à 1888 goélette Henri armement Veuve Ruellan

            – 1889 : goélette Favorite armement Dufilhol et fils

            – 1890 et 1891 : goélette Henri armement Veuve Ruellan

            – 1892 à 1894 : goélette Louise armement Pouhaër

            – 1895 à 1901 : goélette Mouette armement Pouhaër

            – 1903 : goélette Vague armement G. Le Gonidec

            – 1904, 1905 et 1906 : goélette Hygie armement Docteur Thierry

Pour sa carrière, Yves-Marie Lidou, capitaine au cabotage sera honoré de la médaille d’honneur de la marine de commerce. Sa nomination est mentionnée au Journal Officiel daté du 10 janvier 1920. C’est dans sa maison de Ploubazlanec, le 13 septembre 1924, à 68 ans, que Yves-Marie est arraché trop vite à l’affection des siens.

[1] Paimpol au temps d’Islande – Mgr Jean Kervéléo – T1 P96

Famille du début XXe siècle

Yves-Marie LIDOU, dit CAPELAN, en famille à Ploubazlanec vers 1924.

© Famille LIDOU